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Sulina.

de (30-10-2006)

SULINA…

Dimanche, 4 septembre 2005.

Départ 7 h du matin pour Tulcea, ville de première importance sur le Delta du Danube et point de départ des navires et bateaux voguant vers la Mer Noire. 230 km et 3 h et demi de route pour y arriver. Autoroute jusqu’à Drajna, direction Slobozia, Hirsova et Tulcea.
La voiture chargée d’un grand sac de sport contenant mes vêtements, un sac à dos avec mon barda de pêche, une caisse à outils recelant de matériel halieutique plus lourd et un long sac plein de cannes et autres accessoires.
Entre Hirsova et Tulcea se trouvent les montagnes les plus vieilles d’Europe, un régal pour les yeux.
La route est bonne, le temps est au beau fixe. Voyage sans encombres.
Arrivée à Tulcea à 10 h 30 du matin.
Première mission : trouver des esches naturelles pour la pêche. Taupes-grillons (coropisnita en roumain), de grands vers canadiens (ou vers noirs, longs de 30 cm et gros comme le doigt. Pas le mien bêta !), des asticots…
Renseignements auprès d’un chauffeur de taxi qui m’envoie au marché d’où l’on me dirige vers un petit magasin d’où je suis redirectionné vers la bretelle évitant Tulcea… (Typique non ?) ou je trouve finalement un homme vendant des esches vivantes, exerçant son commerce dans une baraque en bois au bord de la route. J’en profite pour acheter des taupes-grillons et des petits vifs ressemblants a des anguilles, que l’on nomme en roumain Tipar (prononcer Tsipar) et qui sont en français … des petits poissons noir ressemblants à des anguilles… !!! Pas d’asticots, bien sur ! C’est fou ça !
Je reviens ensuite au quai pour voir à quelle heure le rapide part. A 13h30.
Bon, je vais m’installer à une terrasse minable pour me relaxer, boire deux Stella et fumer une clope en passant quelques coups de téléphones à des amis. J’en profite pour prévenir François qui m’attend à Sulina, ma destination, que j’apparaîtrai à 14h45. Joie et bonheur ; il m’annonce à son tour qu’il ne restera pas à Sulina, mais qu’il doit partir le lendemain matin pour Bucarest… Incroyable ! Cela faisait des semaines que nous avions tout organisé ! Voila que je vais me retrouver sans bateau…
Enfin, vient le moment d’embarquer. Je vais à la bagnole, me charge de tout mon barda et péniblement fais les 300 m nécessaires jusqu’au guichet pour prendre le rapide. Le mec, souriant, me taxe de 30 lei, (9 euros) me demande si je désire une quittance ; bien sur que oui ! Et m’envoie dans l’autre sens pour le 5ème bateau qui patiente sagement le long du quai. Là,

on me dit que je fais fausse route, le rapide c’est le troisième… Suant et jurant sous le poids des bagages et la canicule, je repars en sens inverse. Enfin, le rapide ! Le machin fonctionne suivant le système Jet-Foil, il ne mettra qu’une heure et un quart jusqu’à Sulina, le bras principal du Delta et seule voie navigable pour les navires, à 70 km de Tulcea.
Je monte à bord. On requiert ma réservation, je montre ma quittance. Pas valable ! Ca c’est pour le catamaran… Merde ! Ce con ma eu. C’est pour cela qu’il espérait que je ne veuille pas de quittance… Le catamaran vient de quitter le port. Tant pis ! Je reprends un billet pour le rapide. Encore 30 lei… Dépose mon paquetage encombrant et vais immédiatement m’installer sur le pont à l’air, avec la bénédiction de la vendeuse de billets qui a de bien jolis yeux.

Au bout d’une demi-heure, la raquette (c’est comme cela que les habitants du Delta surnomment ce bateau), ou le rapide si tu préfères, quitte le port à vitesse réduite. Dès que l’embarcation atteint le bras principal du Delta, elle prend de la vitesse de manière impressionnante. L’air fouette le visage, je ferme ma veste en jeans, je remets mes lunettes de soleil pour me protéger les yeux. Le navire doit foncer a près de 70/80 km/h, il ne mettra qu’une heure un quart pour arriver a Sulina.
Je m’assieds sur les marches menant au pont arrière, il est interdit et bien dangereux de rester debout. Les embruns me fouettent le visage. Je me sens revivre en 5 minutes, la vie semble perdre toutes ses vicissitudes. Je respire l’air du delta à pleins poumons. Enfin ! Depuis deux ans que j’attends d’y retourner !
Les rives défilent à toute allure, bordées de saules, de joncs et de roseaux.
Nous passons des barques en bois, typiques des pécheurs du coin, des maisonnettes aux toits de chaumes, des cabanes, des hameaux. Quelques barques plus modernes et autres vedettes aux moteurs hors-bord sont amarrées le long des berges. Quelques pécheurs vaquent à leurs occupations. Je fume une cigarette.
Des passagers viennent me rejoindre, prennent l’air, fument, taillent le bout de gras. L’un d’eux m’aborde et nous entamons une conversation. Il est de Iasi, Bogdan, en vacance pour une semaine à Sulina.
Le trajet se passe sans encombre. Le rapide arrive à destination et nous réintégrons nos sièges pour l’accostage.
Une fois le bateau amarré, tout le monde se lève et débarque, chargé de bagages. J’attends patiemment et, bon dernier, ramasse mon chargement encombrant et sors. Je discute encore un peu avec Bogdan, attendant François.

Celui-ci arrive au bout de 5 minutes ; « salut Alain ! », lance-t il avec son « acceng » de Toulouse. « Bonjour François ! »

Il fait beau.

Il est habillé comme un as de pique…
Un t-shirt rouge délavé, un pantalon de training en gros coton rouge également, dont une jambe est retroussée et des vieilles savates brunes usées…
Quel style quand-même ! Mais il n’en a rien à cirer.
Il est venu avec un vélo rouillé sur lequel il veut absolument à charger mon grand sac de sport qui ne peut tenir sur le porte-bagages de celui-ci. Tant bien que mal, nous faisons route, lui luttant avec le sac et la bicyclette, moi suant comme un cheval sous le poids de mon harnachement et le soleil battant. Pendant les quelques centaines de mètres que nous avons à parcourir, il ne cesse de jacasser, fustigeant les Roumains fainéants, le soleil, les enseignants de l’école de son fils, la pêche qui ne « donne » pas, Zina, sa femme, qui l’énerve, et, entre deux tirades acerbes, prend des nouvelles de Kay, Georgiana et Julia, la sœur de mon épouse.
Bon, il ne changera jamais, cet éternel mécontent.

C’est la zone ici.
Une des villes les plus pauvres de Roumanie. Enfin, ville… Il doit y avoir 4.000 habitants qui vivotent de chômage, de pêche, de tourisme minable et de quelques commerces. Les industries sont mortes.
Sulina est un ancien port franc, qui a autrefois été refuge de pirates. Ville jadis convoitée par les Français, Russes, Allemands, Turcs, Grecs, Italiens… Le port sur l’embouchure du Danube, dont le bras principal, Sulina, du même nom que la ville, est le seul navigable pour des navires allant jusqu’à 15.000 tonnes. D’une importance économique et stratégique pour toute la zone.
C’est maintenant une ville fantôme, comme dans les B.D.s de Lucky Luke.
Les plus anciennes maisons sont encore faites de bois ou de briques et de bois, construites par les Grecs de l’époque phanariote (jusqu’en 1821) et les Turcs, (après 1821), avant que la Valachie et la Moldavie s’unissent pour former la Roumanie en 1859. (Si ma mémoire est bonne…)
Pour le reste, des blocs vétustes, construits par les communistes, sans eau ni gaz…
Tout est dans un incroyable état de délabrement. Des taudis crasses.

Les rues parelles au Danube portent des numéros : Strada nr 1, 2, 3, 4 et 5…
De misérables masures en bois, sans vitres aux fenêtres, dont les habitants utilisent des fagots de roseaux en guise de portes… Certaines ne sont plus droites, elles se sont affaissées, s’inclinant d’une part, prêtes à s’écrouler. La misère.
A part la « promenade » le long du Danube, qui est bétonnée, les rues sont faites de sable et de gravier, les rares véhicules qui passent soulèvent des nuages de poussière.

Pourtant une atmosphère paisible se dégage. Peut-être est-ce moi, qui étant en congé, perçois les choses différemment.

Zina m’accueille à bras ouverts, je n’ai même pas encore posé mon barda.
Enfin, nous nous installons à table, eau bière et vin nous attendent, et nous lançons dans une conversation bien chaleureuse, prenant mutuellement de nos nouvelles ainsi que de nos familles respectives.
Zina déclare qu’elle va préparer le dîner, me demandant si j’ai l’intention d’aller pêcher pendant ce temps. Non. François part le lendemain et nous préférons aller écluser un godet à la terrasse d’un des troquets sur la « promenade ».
Aussitôt dit, aussitôt fait.
Deux bières. François et moi discutons boulot. Il appelle un jeune gars qui possède un petit hors-bord et qui m’emmènera le lendemain matin pêcher dans un coin à silures et carpes.
Le garçon, Ion, bien sympathique et éduqué fait promptement son apparition et nous convenons de l’heure.
Tout va bien.
Apres le repas du soir, préparé affectueusement par Zina, François va se coucher. C’est qu’il doit se lever au chant du coq le lendemain. Moi aussi, mais je n’ai pas l’intention d’aller dormir de si tôt. Je me sens et suis en vacances.
Je papote encore un peu avec Zina et Léonard, leur fils et vais écluser un godet à la terrasse du seul hôtel-restaurant du coin.
Il n’y a pas grand monde, mais je me sens bien.
Je regarde, j’observe, regrettant de ne pas avoir apporté de quoi écrire.
Il me semble qu’il y a bien moins d’animation qu’il y a deux ans.
Le garçon me confirme : « C’est effrayant cette année. A cause des inondations, les touristes ont eu peur et ne sont pas venu. Mais nous n’avons pas du tout été affectés en fait. La rumeur a créé une psychose.

Notre chiffre d’affaire ne représente que 9% de celui de l’année passée. C’est une véritable catastrophe. »

La soirée est belle. Il fait encore chaud, mais sans excès. Les moustiques ne sont pas trop nombreux.

Je rentre me coucher.

5 septembre 2005.
5 h. du matin.
Aargh…

Je saute, péniblement, hors du lit. Enfile ma tenue de pécheur des brigades halieutiques combattantes et descend prendre le café.
François et Zina sont déjà en bas. Nous prenons congé François et moi et Zina l’accompagne jusqu’au rapide.
Le café est déjà fait. Une cigarette l’accompagne. Zina revenue, insiste pour me préparer un paquet lunch pour la journée. Je refuse d’abord, mais je fini par céder. J’ai toujours été faible avec le beau sexe…

Je me charge à nouveau de tout mon matériel et pars jusqu’aux quais.
Arrivé là ou la barque de Ion est amarré, je lui donne un coup de fil, ou d’antenne si vous préférez, puisqu’il s’agit d’un gsm…
Il descend avec son matos. Un instant encore pour faire le plein et nous embarquons.
90 CV poussent le bateau à 50 km/h pendant près de 40 minutes dans un réseau de canaux et nous finissons notre course dans cul de sac. L’endroit est bien exposé au soleil, l’eau claire et les algues abondantes, comme les moustique d’ailleurs. Il est 7.00 h du mat.
« C’est un bon coup à carpes et à silures » m’affirme Ion.
Je décide de pêcher au gros vers noir et au taupe-grillon. Je monte donc 2 lignes sur des cannes à lancer. Ion pêche au maïs.
Ca ne dure pas longtemps que j’ai déjà une touche. Casse.
Le bas de ligne s’est fait la malle. C’est sans doute un silure.
Je remonte la ligne et je relance. Le phénomène se reproduit souvent.
Merdre ! En plus, nous sommes en plein dans les algues.
C’est normal, me dit Ion, l’eau est très chaude et le niveau est à son plus haut depuis trente ans.

Je finis par sortir un malheureux petit silure d’un kg environ. Mais j’en ai marre de la casse.
Nous changeons d’endroit.
La c’est la foire à la perche ; j’en sors de toutes tailles à n’importe quoi : au vers, à la taupe-grillon, au maïs, au poisson mort, au ţipar…
Ion se marre. Il a pris deux petits silures, un carpillon, deux belles carpes carassin et quelques gardons de belle taille.
J’ai du sortir une vingtaine de perches… Et pourtant, nous pêchons dans le même périmètre ne changeant systématiquement la direction de nos lancers. Lui qui ne pêche qu’au maïs et moi à tout. Il faut croire que cela dépend de mes montages. J’utilise un « anti-tangle » sur montage coulissant et lui un simple plomb de fond.
Je me suis passé au spray anti-moustique et je dois dire que cela fonctionne.
Nous mangeons nos sandwiches et nos fruits. Mes sandwiches sont trop gras, Zina les a bourré de lard. Si François aime le gras, moi pas… Mais comme on dit en arabe « quand on a faim on mange même des pierres… » J’avale tout.
Vers deux heures de l’après-midi, nous commençons à en avoir assez et décidons de rentrer.
Il est clair que sans un amorçage préalable dans un endroit bien choisi, je ne prendrai aucune grosse carpe.
Retour sans encombres.
Je rentre me doucher. Nous dînons.
Apres quoi, Zina et moi allons faire une promenade à pied jusqu’au grand bassin, l’ancien port franc. Elle salue les pécheurs qu’elle connaît tous. C’est son endroit de pêche favori.
19.00 h.
Je décide d’aller boire une bière à la terrasse du seul endroit convenable du bled et retourne à l’hôtel-restaurant de la veille.
La serveuse, Violeta, me reconnaît. « Ce n’est pas vous qui êtes venu avec un grand type baraqué il y a deux ans ? »
Et oui… Violeta aux yeux violets…
Mémoire de femme.
Je prends enfin à nouveau un moment pour humer l’air et observer la scène qui m’entoure.
De grands frênes bordent la promenade. Deux d’entre eux ont les feuillages complètement rongés par les chenilles. Il y a eu une véritable invasion cet été. Des cyprès rachitiques alternants avec des saules rabougris s’alignent

sur le quai. De vénérables peupliers noirs bruissent sous le vent léger. Le soleil est doux en cette fin d’après-midi et la vie semble me sourire.
Une petite fille joue sur la terrasse, sous le regard attentif de ses parents. Des chiens de rue mendient sous les tables. Les serveurs les chassent mais en vain. Les chiens font mine de s’en aller mais reviennent aussi vite, l’air bonnasse.
Retour chez Zina.
Nous discutons, mangeons à nouveau, buvons un peu de vin.
C’est une bouffée d’air pour Zina, pour qui la vie a Sulina n’est pas toujours des plus joyeuses.
Zina me conseille d’aller pêcher le lendemain au grand bassin. Elle me prêtera son vélo pour y arriver. C’est à près de 5 km.

6 septembre 2005.
5 h du mat…
Branle-bas de combat.
Café, cigarette.
J’ai tout préparé. Je bazarde tout mon matos dans mon sac a dos, y lie les cannes en travers et y fixe ma grande bourriche. J’arrime bien le tout.
Merdre ! Avec le matériel, l’eau, la bouffe, les boites de conserve de maïs et l’amorce, ce barda doit faire dans les trente kilos. Joie.
Le vélo est trop petit, les pneus mal gonflés, la selle de course me déchire l’entrejambes, le guidon est trop bas, le dérailleur est bloqué sur le petit plateau…
Tant bien que mal et aussi vaillamment que possible, je prend la route caillouteuse et bosselée jusqu’au grand bassin.
Mince ! Ca brinqueballe dans tous les sens ! Mon cul me rappelle aux bons souvenirs des rois de la pédale… Je m’arrête plusieurs fois, me maudissant pour mon manque de condition physique, chose impardonnable pour un ex-sportif comme moi.
Enfin ! Je parviens au grand bassin. Arc-bouté, j’avance tant bien que mal, cahotant sur les pierres anguleuses des berges aménagées pendant la période communiste et peste sur celui qui a eu l’idée, certainement mal intentionnée, de monter une selle de course sur un mountain bike…
Je me farci les dernières centaines de mètres a pied.
Merdre !
Impossible de trouver un endroit convenable, le quai formant un angle extrêmement abrupt. Je fini au bout du bassin, là ou il rejoint le Danube, les remous sont très forts.

Je m’installe sur la pente pierreuse du quai, calant mon matos comme je peux.
Je déballe tous mes outils…
Plomb de fond coulissant, 150 gr, monture 35/100 – 30/100 bas de ligne, hameçon nr. 2 longue hampe, esché au gros vers noir.
Deuxième ligne même combat mais avec la taupe-grillon au lieu du ver.
Je lance à droite, à 40 m.
Le temps que le plomb se dépose, il se trouve a gauche, a 40/50 m…
Ca promet…
Je n’arrête pas de lancer et de relancer… Ca bouge sans cesse.
Finalement, je finis par trouver la distance et l’endroit ou il y a le moins de remous. Ca tient. Maintenant patience.
Ca mord. De la brème bordelière, du gardon. Une clame…
Merdre ! Même les coquillages mordent… Il me vient l’idée de l’utiliser comme esche. Le coutia et hop ! Le malheureux mollusque finit son existence comme appât au bout d’une ligne.
Ca prend du temps, mais ça mord enfin. Lutte sérieuse, ma tension monte !
Une carpe ! Je parviens à la ramener jusqu’au bord du quai, mais au moment de la récupérer à l’épuisette, elle donne un formidable coup de queue et salut. Foert ! (C’est du bruxellois).
Elle devait faire dans les 5 kilos. C’est de ma faute, j’ai été maladroit au dernier moment.

Ca mord enfin à la boule de vers. Lutte sans merci et casse, 4 fois de suite.
Je fulmine.
L’après-midi me trouve lassé de cette action de pêche dans un endroit plus qu’inconfortable et dégoûté des petites prises et de la casse.
J’en ai marre. Je replie bagage, refait mon paquetage, me recharge comme un âne de bât et, poussant le vélo sur la pierraille, retourne vers la « ville » de Sulina. Dès que le chemin le permet je regrimpe sur la petite reine et, suant et grimaçant, vaille que vaille pédale…
Enfin la chaumière ! Je débarque tout.
Une douche, un verre de vin et une discussion avec Zina sur ma journée de pêche. C’est que Zina est une passionnée.
Je repars boire une bière auprès des frênes, des peupliers noirs, des cyprès et de Violeta…
Retour chez Zina. Je décide de rehausser la selle du vélo, le guidon, de régler les freins, de réparer le pédalier et de gonfler les pneus a bloc.
Voila !

Le soir nous dînons, Zina, Léonard et moi. Soirée tranquille. Zina me raconte son enfance.
Je vais dormir tôt, déterminé à retourner au grand bassin sur l’insistance de Zina.

7 septembre 2005.
5 h de mat.

Saut de carpe hors du lit.
Habillement, préparation du matériel, empaquetage, café, cigarette.
L’âne bâté remonte sur la bicyclette et hi-han ! C’est reparti pour un tour.
Ca va mieux comme ça. Je suis plus à l’aise sur la bécane, mais mon cul fait encore plus mal que la veille… Je dois avoir des ecchymoses…

De retour au bassin je constate qu’il y a moins de pécheurs et suis en mesure de choisir un meilleur endroit, moins loin et plus accessible.
Je monte deux cannes.
Je lance avec plus de bonheur et, à nouveau, prend du gardon et de la brème. Cette fois je décide de pêcher au poisson mort, puisque Zina m’a dit qu’il y avait de beaux exemplaires de sandres et de brochets.
Un robuste gardon devient la victime de mon sadisme halieutique.
Je lui coupe la gorge, l’éviscère et l’enfile sur deux hameçons de belle taille tenant sur un montage réalisé avec du fil de 35/100.
Je lance et laisse la ligne la ou elle est tombée.
Au bout d’une demi-heure, ma ligne se met à se balader de ci, de là, comme une grande.
Je retiens mon souffle, du sandre, du brochet ? Doucement… Je donne du mou. Finalement je n’y tiens plus et ferre. Résistance suivie d’un relâchement quasi immédiat.
Je ramène le gardon expiatoire pour constater qu’il porte la trace d’une morsure impressionnante, de 5 cm de large. Merdre ! Si c’est un brochet, il doit faire un mètre… Qui a bu boira ! Je relance au même endroit en me jurant d’attendre jusqu’à ce que le poisson se ferre lui-même.
Chose faite.
L’autre ligne ne donne pas du tout. Ce qui me fait présager la présence d’un gros prédateur dans la zone.
Enfin, voila ma ligne repartie pour un tour. Là je patiente comme un vrai pêcheur… Un quart d’heure de yo-yo et la ligne s’immobilise. Tout le monde sait que le brochet mange sur place, à son aise et qu’une fois sa

proie ingurgitée il va faire un petit tour pour digérer… Mais il ne bouge plus… Furt ! Je ferre.
Le fil revient sans aucune résistance, même pas celle du plomb…
Coupé net, voyez-vous, par les dents acérées de maître Essox, qui s’est fait la malle avec mon gardon. Je me botte le cul mentalement pour ma fainéantise ! J’aurais du faire un montage avec un câble en acier au lieu d’un gros nylon.
Le dégoût s’empare de moi. En me traitant de tous les noms d’oiseaux, je remballe mon attirail. Me recharge et repart. Je ne mettrai plus les pieds ici !
Tiens, voici que Zina et Léonard viennent à ma rencontre !
Zina me demande si je ne préfère pas me réinstaller à un autre endroit. « Non, j’en ai assez ! », lui réponds-je.
Nous faisons demi-tour, Léonard s’essayant à des figures de dérapages contrôlés sur les cailloux avec sa bicyclette.
Nous rentrons en devisant.
Il fait chaud.

Zina propose après le dîner, puisqu’il est encore tôt, d’aller jusqu’à la plage. L’idée me semble tentante et j’accepte. Léonard fait des bonds de joie. Il ne tient plus en place. Je répare le vieux mini-vélo de François pour notre randonnée.
Nous roulons tranquillement vers la plage Zina et moi, pendant que Léonard fait le fou sur la route. Il déborde d’énergie. La plage est pratiquement déserte, il fait bon. J’ai envie de me baigner. Léonard fait sa mijaurée et prétend que s’ennuyant déjà, désire rentrer à la maison. Zina perd sa patience ; nous y sommes, nous y restons. Ca y est, Léonard pique sa crise. Zina essaye de ne pas perdre son self-control, alors que le gamin devient carrément méchant et irrespectueux. Je lui lâche quand même que s’il était mon gosse il prendrait la raclée de sa vie… Ce qui ne l’impressionne ni le calme, d’ailleurs pas… Tant pis.
A la baille ! Puis je m’étends sur ma serviette de plage, histoire de bronzer un peu en dormant.
Ca fait du bien quand-même… Pour un mec comme moi qui refuse à se laisser aller, ou bien qui n’en est plus capable.
Mais les cris de Léonard me sortent de ma somnolence.
Allez, ça suffit ! Ce moutard m’énerve…
Nous rentrons. Zina est au bord de la crise de nerfs. Tout le charme de l’après-midi s’est évaporé.

Une fois rentré, je laisse Zina aller faire une sieste et le gosse se vautrer devant la télé et prend la fuite vers mes peupliers, cyprès et autres frênes.
Ils ont le don de me calmer, eux…

Un coup de fil d’Ovidiu.
Il m’avait promis qu’il viendrait pêcher mais il a remis pratiquement journellement sa venue. Il viendra demain, partant de Morighiol en barque équipée d’un moteur de 10 CV, il mettra du temps pour arriver par les canaux et lacs du Delta.

Les cyprès et les peupliers noirs…

8 septembre 2005.
Aujourd’hui j’ai 49 ans.
Je dors…
Je n’ai pas envie d’aller à la pêche ce matin. J’attends Ovidiu.

Je finis par me lever a 9.00 h.
Un café, une cigarette. Discussion avec Zina. Léonard est calmé. Je me dis que le petit monstre manque d’attention ainsi que d’un exemple paternel un peu plus autoritaire, plus discipliné et plus copain. Plus présent surtout. C’est que le gamin a besoin de dialogue, il a soif d’apprendre, soif d’exemple masculin.
Bon. Je lui propose d’aller faire une ballade à vélo. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est toujours ça.
Il bondit : « Chouette ! »

Nous grimpons sur les bécanes et pendant une heure nous allons tourner dans les rues poussiéreuses de Sulina.
« On fait la course ? » Me provoque Léonard.
A mon âge ? Mais je vais me blesser…
Bon je relève le défi d’un enfant de 11 ans.
Je parviens à m’amuser… A jouer… J’éclate même de rire… C’est fou non ? Monsieur Godon, malgré son grand âge, sa morosité quasi chronique et sa vision pessimiste de l’existence réussit enfin à ressentir un peu de joie enfantine… A se laisser aller.
Nous fonçons dans la caillasse et la poussière; les rues sont vides. Nous dérapons et virevoltons nous apostrophant. Le gosse me pousse dans mes limites, mais je tiens bon. Jusqu’à ce qu’il en ai assez.
Bon, ça me suffit.

Merci Léo.

Nous rentrons dîner, Zina nous attend.
Coup de fil à Ovidiu qui s’achemine par les chenaux… Je l’entends crier au téléphone avec le bruit strident du moteur en arrière-fond : « J’en ai encore pour deux heures ! »
Léonard bricole sa bécane.
Je prépare mon matos pour une pêche avec Ovidiu.
Deux cannes à lancer, le sac à dos contenant un minimum. Les appâts, les leurres, la bouffe et la flotte.
J’achète du pain, des bananes, des pommes, du pâté et de la bière.
Ovidiu m’appelle.
Il vient de renter au bout de Sulina.
Je pars l’attendre sur le quai, emportant mon matériel de pêche.
Il arrive au bout de 20 minutes, habillés dans un treillis militaire pour le désert. Nous nous saluons.
J’embarque le matos et je monte dans la barque.
Il est encore temps d’aller pêcher et Ovidiu est impatient de taquiner le brochet à la cuillère.
Nous remontons le Danube sur quelques centaines de mètres pour emprunter un canal sur lequel je ne suis jamais allé. Il mène vers le bras de Chillia, vers l’Ukraine.
Le brochet donne là-bas. Ovidiu dixit.
Un ami à lui, Bogdan, est en route de Bucarest. Il devrait arriver dans quelques heures.
Nous devisons en remontant le canal. Il fait grand soleil.
Au fur et à mesure que nous avançons, l’eau s’éclaircit.
Au bout d’une heure, Ovidiu s’arrête. Un bon endroit pour le brochet. Il lance entre les nénuphars et incroyablement il pique un brochet du premier coup.
Ca n’arrêtera plus. Je n’aurais même pas le temps de pêcher moi-même.
Entre les petits chenaux et le canal, Ovidiu prendra une vingtaine de brochets en trois heures.
Je n’ai jamais vu ça. Il a une technique de lancer incroyablement précise et repère les trous à brochets avec une infaillibilité étonnante.
Je suis subjugué.

L’heure avance, nous revenons vers Sulina.
Son ami Bogdan l’appelle et une fois la barque amarrée au quai, nous allons lui rendre visite. Il loge chez un ami à lui, Sebi (pour Sebastian), qui

est pécheur professionnel. Un ancien boxeur reconvertit par amour de la pêche.
Nous sommes reçus comme des rois dans une atmosphère plus que conviviale. Le père de Bogdan, également présent, et moi nous lançons dans des grandes discussions sur la politique…
Ils nous invitent à manger le poisson pris par Ovidiu. Je préviens Zina de ne pas m’attendre pour le repas.
La soirée se passe de manière la plus agréable, le père de Bogdan se paye une cuite digne du livre des records… Le brochet ne m’enchante pas trop.
Nous convenons d’aller pêcher ensemble le lendemain matin. Rendez-vous à 5.30 h sur le quai.
Il est presque minuit, je prend congé et vais droit aux plumes.

9 septembre 2005.
4.45 h du mat.
Avec la célérité d’un militaire en campagne, je m’habille, prépare mon bardat, charge le tout et file au quai. Pour arriver bon premier…
Les autres ne tardent pas.
Nous embarquons et partons à deux barques. Sebi a sa grande barque en bois, typique des pécheurs du coin.
Nous filons bon train, sortons par l’embouchure du Danube pour reprendre vers le sud affin de remonter un canal assez important qui doit nous amener sur notre lieu de pêche.
L’air est frais au petit matin. Je laisse ma main traîner dans l’eau, provoquant une gerbe d’eau filant le long de la coque. Surprise ! L’eau est très chaude. Trop chaude. Nous ne prendrons rien ou bien que du petit. Nous pouvons oublier les carpes et silures.
Je fais part de mon avis à Bogdan et Ovidiu.
Ca n’a pas l’air de les inquiéter outre mesure. Ils sont pleins de confiance en eux.
Une heure plus tard nous y sommes.
Le lieu est propice. Il s’agit de l’intersection de deux canaux larges de près de 30 mètres. Une brèche servant de déversoir a été ouverte pour dégorger le trop plein d’eau du aux inondations vers un canal parallèle à celui sur lequel nous voguons.

canal

Alain

canal principal

déversoir

canal de déversement

Un « coup » à pêcher a été préparé à l’avance par Sebi et Bogdan une semaine plus tôt. Ils ont couché plusieurs mètres carrés de roseaux qui forment un matelas flottant arrimé à une berge autrement inaccessible.
Bogdan et moi nous y installons.
Sebi préfère pêcher de sa barque de même qu’Ovidiu qui ne désire prendre que du brochet.
Le père de Bogdan, revenu de son ébriété et d’ailleurs honteux, se confondant en excuses à mon égard, préfère taquiner le poisson sur la rive opposée en compagnie de la femme de Sebi, fine pêcheuse.
Ils sont tous équipés comme des pros. Treillis militaires, cannes à pêches ultra modernes et ultra performantes. Ils amorcent des kilos de maïs pour la carpe.
Je pare au plus pressé. Je me passe le spray anti-moustiques…
Je monte trois cannes ; une au ver, une à la taupe-grillon et une au maïs.
Je lance à distance moyenne, tous mes montages au plomb coulissant avec l’anti-tangle et le cassant. Bas de ligne de 18/100, hameçon de 6, largement suffisant. Une clochette à chaque canne, les moulins desserrés et hop, il n’y a plus qu’à attendre.
Je prend un peu de tout : du gardon, la sempiternelle perche, des brèmes, quelques carassins et un carpillon.
Je monte un poisson mort sur la plus grosse canne, la leste lourdement et lance dans les tourbillons, misant sur un hypothétique silure.

Mais Bogdan, à part deux carassins, ne prend rien. Sebi vient le chercher et ils filent en barque vers un autre coin de pêche. Me voila seul. C’est bien. Je profite de la tranquillité.
C’est là que je vais passer le restant de la journée, prenant de tout mais rien de gros, comme je l’avais anticipé.
Le seul qui a fait ses choux gras est Ovidiu, prenant une trentaine de brochets…
D’ailleurs nous décidons de rentrer vers trois heures de l’aprème, nous arrêtant de-ci, de-là pour encore taquiner le brochet.
Il est cinq heure lorsque nous rentrons à Sulina, Ovidiu et moi.
Les autres sont déjà à une terrasse, éclusant une bière locale.
Nous les rejoignons. Je bois deux Stella et puis décide de ramener mon matériel et les quelques poissons dignes d’être mangés chez Zina.
Je reviens par après et nous passons encore une heure à deviser et à boire de la bière.
Sebi nous invite à nouveau chez eux.
O.K. Je vais me doucher et me changer.
La soirée fut très agréable. Le père de Bogdan brilla par son absence.
Ma courte semaine de pêche se termine sur une note joyeuse.
Le lendemain, 10 septembre, au petit jour, après avoir remercié mille fois Zina, la fée (c’est ce que cela signifie en roumain…) j’allais reprendre le rapide pour Tulcea, récupérer ma voiture et foncer vers Calarasi ou ma femme et Nathalie m’attendaient chez mes beaux-parents.

Ecouri



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